
La Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra (C) arrive avec des membres de son cabinet avant une réunion à la Maison du gouvernement à Bangkok, le 1er juillet 2025 ( AFP / Lillian SUWANRUMPHA )
La saga judiciaire autour des Shinawatra, qui polarisent la Thaïlande depuis plus de 20 ans, se poursuit mardi, autour du patriarche Thaksin, accusé de lèse-majesté, et de sa fille Paetongtarn, la Première ministre, menacée de suspension.
Le procès pour diffamation royale, une accusation passible de 15 ans de prison, a débuté dans un tribunal pénal de Bangkok, en présence du milliardaire, a confirmé à l'AFP un responsable judiciaire.
"Je ne peux pas parler pour lui sur son état d'esprit, mais je pense qu'il est détendu", a déclaré à l'AFP son avocat Winyat Chatmontri.
Ces prochaines semaines, les Shinawatra vont jouer leur survie politique devant les juges qui, par le passé, ont condamné ses membres les plus influents, et dissous leurs partis affiliés - sans jamais les écarter du cœur de l'échiquier politique.
L'héritière de la dynastie, Paetongtarn, occupe depuis août dernier le poste de Premier ministre, mais la suite de son mandat dépend d'une décision de la Cour constitutionnelle, qui se réunit mardi pour la première fois après que des sénateurs ont déposé une plainte réclamant sa destitution.
"Si vous me demandez si je suis inquiète, oui, je le suis", a concédé la dirigeante lundi aux journalistes.

L'ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra et sa fille Paetongtarn Shinawatra arrivent à la cérémonie d'investiture de cette dernière comme cheffe du gouvernement, le 18 août 2024 à Bangkok ( AFP / Chanakarn LAOSARAKHAM )
Depuis les années 2000, des troubles politiques à répétition secouent la deuxième économie d'Asie du Sud-Est, mais l'épisode à venir s'inscrit dans un paysage mondial en recomposition, lié à l'offensive douanière américaine, qui a placé le gouvernement dos au mur.
A chaque cycle revient le même nom: Shinawatra, la richissime famille honnie par l'establishment conservateur, qui accuse ses membres de corruption et d'attiser les tensions dans un royaume proclamé indivisible derrière le roi.
De leur opposition, ont découlé deux coups d'Etat, en 2006 et 2014; des manifestations géantes, certaines réprimées dans le sang; ainsi qu'une cascade de poursuites judiciaires.
Le chef du clan, Thaksin, 75 ans, est accusé d'avoir insulté le roi et sa famille dans un entretien publié dans un journal sud-coréen en 2015, quelques mois après le putsch ayant visé sa sœur Yingluck.
- Loi contestée -
Les auditions de son procès sont programmées tout le long du mois de juillet. Le magnat des télécoms nie avoir tenu des propos diffamatoires.

Manifestation pour demander le départ de la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra, le 28 juin 2025 à Bangkok ( AFP / Chanakarn Laosarakham )
La justice a l'habitude d'avoir la main lourde pour faire respecter la loi sur la lèse-majesté, l'une des plus sévères au monde.
Des groupes de juristes et des militants des droits humains ont régulièrement critiqué l'instrumentalisation de cette loi pour bâillonner les voix critiques de la monarchie et de ses alliés.
Au pouvoir entre 2001 et 2006, le truculent Thaksin a dynamité la politique thaïlandaise par son style à mi-chemin entre autoritarisme et libéralisme, qui a divisé le pays entre les "rouges", ses soutiens issus des campagnes, et les "jaunes", partisans de l'ordre traditionnel autour du roi et de l'armée.
Près de 10.000 personnes proches de la mouvance "jaune" ont manifesté samedi, mais une autre Shinawatra a concentré leur colère: Paetongtarn, la fille de Thaksin, appelée à démissionner.
La plus jeune Première ministre de l'histoire du royaume, 38 ans, affronte la crise la plus sévère depuis sa prise de fonctions.
- Intégrité remise en cause -
Sa coalition ne tient plus qu'à un fil depuis le départ de son principal allié, qui l'accuse d'avoir manqué de respect à l'armée dans un appel avec le dirigeant cambodgien Hun Sen que celui-ci a partagé en ligne, à l'insu de sa cadette.

La Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra passe en revue les troupes dans la base militaire de Morakot, près de la frontière cambodgienne, en compagnie du général Boonsin Padklang (à gauche) le 20 juin 2025 ( ROYAL THAI GOVERNMENT / Handout )
Malgré ses excuses, Paetongtarn n'a pas éteint la polémique sur sa gestion, jugée laxiste voire antipatriotique, des tensions à la frontière avec le Cambodge.
Une trentaine de sénateurs ont déposé une plainte auprès de la Cour constitutionnelle, en estimant qu'elle a enfreint les "standards éthiques" exigés dans la Constitution pour occuper son rôle.
Les juges pourraient annoncer mardi s'ils acceptent ou non d'étudier leur requête. En cas de réponse positive, ils peuvent prononcer sa suspension le temps d'aboutir à une décision, ce qui pourrait prendre plusieurs mois.
Le remaniement attendu a été approuvé mardi matin par le roi.
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